Santé

Allô Giulia ? « Bébé ou carrière ? Je ne sais plus quoi choisir »

« Chère Giulia,

Si Octave, mon compagnon savait que je vous écris, il se moquerait de moi. Il déteste ces trucs de fille, il pense que ça nous met des conneries dans la tête, et qu’après, c’est lui qui essuie les plâtres. Mais bon, vu ce qu’il me demande, je me dis que, pour une fois, j’ai bien le droit de faire ce que je veux… Ça fait deux ans qu’ on essaye de faire un enfant, mais ça ne fonctionne pas. Il en est très malheureux, parce que tous ses frères sont déjà papa. Dans ma famille, on me met pas mal la pression aussi – une femme sans enfants, c’est pas vraiment une femme, pour résumer.

Moi j’adore les enfants : je suis auxiliaire en puériculture, j’ai toujours voulu faire ça, j’y suis vraiment bien… Mais c’est vrai que c’est très physique, et quand je rentre à la maison, je suis souvent bien trop fatiguée pour faire l’amour. Octave, ça le frustre, ça l’énerve, et puis ça l’inquiète : on devrait avoir beaucoup plus de rapports pour multiplier nos chances d’avoir un bébé, c’est logique… En plus, plus le temps passe, moins je suis fertile. Donc je comprends son impatience, mais du coup, il me demande d’ arrêter de travailler. Pour que je sois plus disponible, et moins fatiguée.

Au départ, je n’ai pas voulu : encore une fois, j’adore mon travail et puis je n’aime pas trop l’idée de vivre aux crochets de qui que ce soit. Après, il a raison quand il me parle de priorités. Et la priorité, aujourd’hui, c’est ce bébé qui ne vient pas – et qui va finir par nous rendre fous avant même qu’il soit né ! Surtout que je pourrais toujours reprendre après la naissance… Mais au moment où je pense à tout arrêter pour ça, je ne sais pas pourquoi, j’ai les larmes qui montent aux yeux, et la colère avec, comme quand on me faisait faire un truc, petite, que je trouvais injuste.

Pourtant, c’est pas injuste, là : je le veux, ce bébé, donc je dois mettre toutes les chances de mon côté, non ? Vous voyez, Giulia, je suis en boucle. Si vous avez une idée pour mettre la girouette sur pause, vous me dites ? » Nadia, 38 ans.

« Chère Nadia,

Pardon, mais je vais plutôt remettre une pièce dans la machine : je suis d’accord avec vous, c’est parfaitement injuste de vous demander d’ arrêter de travailler pour faire un enfant… Un enfant qui – deuxième point que je vous accorde – va vous sortir par les yeux avant même d’être né, pour vous avoir demandé beaucoup plus de sacrifices que nécessaire. Donc pouf, pouf, on reprend. Au 21ème siècle, une femme sans enfant est une femme. Point. Pleine, et entière. Re-point.

La maternité est un plus, un bonus, pour celles qui le souhaitent vraiment – vous êtes vous posé la question de votre souhait, à vous, en dehors de toute pression familiale, d’ailleurs ? L’enfant n’est une chance que dans une vie déjà bien remplie, et épanouie : mieux vous serez dans vos baskets, meilleure mère vous deviendrez. Alors, je ne suis pas sûre que vous priver d’un job qui vous plaît soit la meilleure idée qui soit, même dans l’optique qui est la vôtre… Voire « surtout » dans cette optique.

D’autant que, je ne sais pas si quelqu’un l’a dit à Octave, mais en gros, il suffit d’une fois : c’est pas parce que vous faites l’amour cent fois que vous aurez cent gamins. Simplement, cette fois-là doit être la bonne… Ce qui multiplie vos chances, c’est d’être bien à deux, et bien, chacun, avec vous-mêmes. D’où ma question : en dehors de ce projet de grossesse, où en êtes-vous, Octave et vous ? Un terrain fertile, c’est aussi un terrain où on se sent bien, où on se fait du bien, où on se veut du bien. Octave vous aime ? Alors il doit pouvoir supporter que vous teniez à votre espace, et à votre indépendance financière – accessoirement, il n’a pas non plus son mot à dire sur comment, quand, et avec qui vous allez exprimer vos ressentis.

S’aimer, c’est se laisser libre. Et c’est parce qu’on est libres, qu’on choisit d’être ensemble, de continuer à avancer ensemble, qu’on reste sur le même chemin, un chemin qui, peut-être, débouchera sur cet enfant – vous me suivez ? Par ailleurs, Octave a peut-être raté quelques cours de SVT – comme un certain nombre de ses congénères, cela dit… Alors attention, scoop : l’infertilité peut être masculine. Je sais, je largue une bombinette, mais oui, oui, oui, les hommes aussi peuvent ramer comme des galériens pour réussir à « mettre » leur partenaire enceinte. Avez-vous songé, l’un et l’autre, à vous faire examiner ? Vous n’évoquez pas l’aspect médical des choses, il est pourtant essentiel : un spermogramme pour lui, une analyse de réserve ovarienne pour vous, et vous saurez si vous avez besoin d’aide, ou pas.

Je sais, Nadia, ça n’est jamais évident de demander de l’aide. Mais ça a le mérite d’être efficace. De vous remettre, Octave et vous, sur un pied d’égalité. De vous permettre, à vous, de continuer à travailler. Repartez du bon pied, et n’oubliez pas : un problème bien posé a beaucoup plus de chances d’être résolu. Octave doit pouvoir l’entendre : un enfant, ça se fait à deux. Ce sera le vôtre aussi. Dès aujourd’hui, vous devez, vous aussi, pouvoir poser vos conditions et vos limites. Ne serait-ce que pour mieux engager la suite… Courage, Nadia. Je vous embrasse.

PS : j’oubliais l’essentiel… Vous savez que vous avez le droit d’être fatiguée ? La seule bonne raison pour faire l’amour, c’est d’en avoir envie.  »

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