Santé

C’est mon histoire : « Je suis tombée amoureuse enceinte »

UNE ENVIE DE BÉBÉ obsédante

Lorsque les deux bandes rose pâle sont apparues, j’ai pleuré. Mais ce n’était pas que des larmes de joie. Deux mois plus tôt, ce moment aurait été sans doute le plus beau de ma vie. Mais depuis, les choses avaient changé. J’avais croisé la route de Julien, et plus rien n’était pareil. Ma tête ne répondait plus, tout entière habitée par lui. En une étincelle, j’avais mis de côté le désir de bébé qui rongeait mon couple depuis quatre ans. J’en avais oublié jusqu’à mon mari, Philippe, le père du futur- enfant-qui-ne-venait-pas.

Je fonçais tête baissée dans les mensonges et le double jeu. Je me sentais revivre, c’était tout ce qui comptait. Les trois dernières années de mon existence avaient été plombantes. Cette envie de bébé avait fini par nous obséder complètement, Philippe et moi. Nous ne pensions plus qu’à ça, ne baisions plus que pour ça et à chaque apparition de règles, c’était le même drame. D’après notre bilan de fertilité, nous n’avions pourtant aucun problème physiologique, ni lui ni moi. « C’est dans la tête », me dit un jour un spécialiste des trompes après un examen approfondi. Je n’ai pas répondu. Je passais mon temps à me faire ausculter, les jambes écartées, ou à compter les jours jusqu’à ma prochaine période d’ovulation. Ayant parfois l’impression d’être une bagnole dont on examinait le moteur, tant certains spécialistes manquent d’empathie. Notre couple, formé depuis dix ans, soudé comme jamais au début de cette aventure procréative, s’est essoufflé peu à peu. Nous ne parlions plus que piqûres d’hormones, follicules matures, insémination. J’en voulais à Philippe de ne pas subir, comme moi, toutes ces interventions médicales. Il était souvent en déplacement professionnel, ce qui ajoutait du stress lié à l’organisation du planning « spermiologique ». Lui me reprochait de ne penser qu’à moi et de ne pas écouter sa souffrance. Les gestes tendres entre nous se raréfiaient au même rythme que les engueulades explosaient.

COUP DE FOUDRE inattendu

C’est dans cet état d’esprit pas vraiment folichon que je rencontre Julien pour la première fois, lors d’un dîner organisé chez nos amis les plus proches. Depuis un moment, ils nous parlaient de ce couple « a-do-ra-ble » avec qui ils avaient partagé des treks « fa-bu-leux » à l’autre bout du monde. Il fallait qu’on les rencontre, nous allions les « surkiffer ». Euphémisme. Coup de foudre instantané. À table, assis l’un près de l’autre, Julien et moi avons passé la soirée à bavarder et à plaisanter. Notre complicité était évidente. Bien sûr, je n’avais pas conscience de cette alchimie en rentrant chez moi. Il était marié, avait deux enfants ; je ne pouvais pas imaginer une seconde qu’il se passerait quoi que ce soit entre nous. Le lendemain, sur ma boîte pro, j’ai reçu un mail de sa part me proposant de poursuivre notre conversation autour d’un verre. Je jubilais. Il s’était souvenu de mon nom, de l’endroit où je travaillais…

Double jubilation : c’était parti pour des heures d’échange de textos. Je bondissais de joie à chaque message reçu et me découvris être un machiavel hors pair pour les dissimuler à mon mari. On s’est embrassés dès le premier rendez-vous, pourquoi attendre ? J’étais incapable de me retenir. Je ne pensais plus à mon ventre vide ou alors que pour compter les papillons qui y battaient des ailes. Pourtant, en parallèle, avec mon mari, nous poursuivions notre PMA. Je ne disais rien à Julien de tout ça. Comme lui ne me parlait pas de sa femme ni de ses enfants. C’était notre parenthèse enchantée. Pendant deux mois, nous nous sommes vus en cachette, flirtant, comme deux ados, sur un banc à l’écart dans le square des Batignolles. Je n’avais pas prévu que je tomberais enceinte. Même si trois de mes follicules étaient « ultra-matures ». C’était notre dernière insémination avant de passer à la Fiv. Mais, habituée aux échecs, je n’envisageais pas que ça puisse fonctionner cette fois-là non plus. Quand j’ai vu les deux bandes, je n’y croyais pas. Il fallait que ce bébé se pointe maintenant. J’en voulais au destin de tout me donner en même temps alors que rien ne s’était produit pendant des mois et des mois.

« À FOND DANS mon rôle de mère »

La chose à faire était de stopper cette aventure… Comme s’il suffisait de le décider pour qu’elle s’arrête ! J’avais beau essayer de me concentrer sur mon bébé à venir et sur mon couple à nouveau réuni, je ne pensais qu’à lui, qu’à Julien. J’ai réfréné mon envie de lui écrire… jusqu’au jour où j’ai craqué. J’étais enceinte de trois mois, Philippe n’était pas là, encore en déplacement. Et c’est reparti. Les messages enflammés, les rendez-vous secrets, les baisers langoureux… Et forcément, c’est allé plus loin. On a fait l’amour dans un hôtel. C’était sensuel et puissant. Mais j’étais morte de culpabilité après. Je pensais à Philippe que je trahissais et à notre bébé qui, dans mon ventre, devait ressentir tout ça. Je me voyais déjà lui payer des séances de psychanalyse jusqu’à ses 25 ans, à ce pauvre gosse. Mon ventre grossissait. Tous les jours, je me disais qu’il fallait que j’arrête cette histoire. Mais j’y revenais à chaque fois. Julien me parlait de son intention de quitter sa femme. Il n’en pouvait plus de cette double vie. Il voulait être avec moi. Il m’aimait. Moi, je ne savais plus où j’habitais.

Ce petit flirt que je voulais passager virait à la grande histoire d’amour. Je n’avais pas le droit de faire ça à Philippe. Mais dès que je quittais Julien, j’en étais malade. Les gens qu’on croisait, au resto, dans les hôtels ou les commerces, le prenait pour le père du futur enfant. Je me surprenais à en aimer l’idée. À la maternité : « Ah mais voilà le papa, enfin ! Il a votre nez ! » Le bébé était arrivé en avance. Philippe était à San Francisco pour le boulot. Julien n’a pas pu résister, il est venu nous voir. Il s’est fait passer pour mon frère, nous a embrassées, moi et ma petite fille, puis est reparti tout aussi vite, pas très à l’aise. Sans doute ne se sentait-il pas tout à fait à sa place. De retour chez moi, je décidai une énième fois de rompre avec lui. Cette fois, ce serait définitif. Notre histoire ne pouvait pas continuer. Je voulais prendre un nouveau départ avec mon mari et notre fille. Nous avions fait tellement d’efforts pour la vivre, cette vie de parents ; je ne pouvais pas tout foutre en l’air maintenant.

Mon aventure n’avait été qu’un moment d’égarement. À fond dans mon rôle de maman, je me forçais à ne plus y penser. Je n’étais pas très épanouie dans mon couple mais me laissais porter en espérant que le temps ferait son oeuvre. Un an plus tard, j’apprenais, par l’amie en commun à qui je demandais régulièrement des nouvelles, l’air de rien, que Julien se séparait. Mon coeur a fait un bond. Je n’ai plus eu qu’une idée en tête : lui écrire. « Tu en as mis du temps, je n’y croyais plus », a-t-il répondu dans la seconde. Nous avons repris notre histoire là où nous l’avions laissée. À un détail près : j’ai, moi aussi, quitté mon mari. Ça a été très dur. Tout mon entourage s’est retourné contre moi. J’étais la méchante, celle qui le quittait pour un autre, avec un bébé de dix-huit mois. Je n’ose imaginer les regards, s’ils avaient su que j’avais couché avec lui pendant toute ma grossesse. Mais la solidité de l’amour de Julien me portait… et me porte encore. Aujourd’hui, nous fêtons nos neuf ans. Nous avons eu ensemble deux autres petites filles. Quand nous sommes réunis, avec tous nos enfants, nous sommes sept à table ! C’est un joyeux bordel, qui nous ressemble.

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