Santé

Quitter l’enfer des rapports sexuels organisés quand on essaie d’avoir un bébé

La décision est prise : et si on faisait un enfant ? Dès lors, le couple s’évertue à partager des rapports sexuels au « bon moment », soit en période d’ovulation, qui dans un cycle régulier survient environ quatorze jours après le premier jour des règles. Cette fenêtre de tir, large d’une petite semaine – rapport au temps de survie des spermatozoïdes dans les voies génitales féminines et à la durée de vie d’un ovocyte – invite bien souvent à s’organiser. De fait, connaître la date du prochain rapport sexuel, et se donner rendez-vous pour l’honorer, peut être lourd à gérer avec le temps : effet surprise proche de zéro, désir sur commande, plaisir brouillé par l’objectif sous-jacent… La sexualité s’en trouve parfois perturbée, et d’autant plus que la grossesse se fait attendre… Comment s’y faire ? Comment vivre le sexe comme on l’a toujours vécu, malgré l’angle procréation ?

Quand la spontanéité déserte notre sexualité

Essayer de tomber enceinte demande bien souvent d’ouvrir son agenda pour programmer le sexe, un réflexe qui se précise à mesure du temps qui passe, ou selon notre âge : on ne voudrait pas louper le coche. Seulement, savoir quand le rapport aura lieu, et se préparer pour, peut devenir pesant. Où sont passées nos tendres années, rythmées de sexe impromptu et de désir flamboyant ? 

S’il peut être dérangeant de prévoir le sexe, c’est parce que notre vision de la sexualité est telle que la spontanéité doit piloter. « Dans l’esprit collectif, le sexe est inné et naturel, notamment depuis l’avènement de la contraception : en théorie, on a appris à faire l’amour quand on le désire vraiment, et c’est plutôt une bonne chose », explique la sexologue Diane Deswarte, fondatrice du Club Kamami. Ainsi, se rencarder dans la chambre tels deux associés sur le pied de guerre va à l’encontre de nos habitudes, aussi du fantasme du rapport sexuel inopiné qui démarre sur un coin de table. Sans dire, aussi, que nous espérons garder un scénario magique du jour de la fécondation, pas l’image d’un enfant sur to-do liste.

Changer d’angle : et si les rendez-vous du sexe étaient une bonne chose ?

On déplore l’absence de spontanéité, mais la spontanéité sexuelle existe-t-elle vraiment ? Comme le rappelle la sexologue, « même un date Tinder peut laisser présager un rapport sexuel dans deux heures ». Dans ce cas de figure, la projection d’un rapport est sexy. Pourquoi ne le serait-elle pas en couple, à l’heure de l’ovulation ? Que ferions-nous ce soir si nous nous étions rencontrés hier ? En changeant d’angle, en percevant les rendez-vous du sexe comme des rendez-vous agréables, on quitte l’aspect contraignant de la sexualité sur ordonnance.  

Autre façon de se réconcilier avec la « sexualité organisée » : focaliser sur l’expérience nouvelle que l’on vit en couple. Coralie Nasr-Jouaneh, animatrice du podcast « Vouloir un bébé », créé lorsqu’elle est entrée en parcours PMA, estime que la période d’essai bébé est riche de découvertes, et que ces découvertes sont capables d’entraîner une forme d’excitation, jusqu’ici inconnue : « Certaines femmes découvrent leur cycle et leur corps, via des sensations à l’ovulation ou la présence de glaire cervicale, si bien qu’il peut être enthousiasmant d’aborder la sexualité par le prisme de l’exploration. On comprend que c’est le moment idoine pour avoir un rapport, on est heureux d’en avoir conscience et de pouvoir le vivre », partage-t-elle.

Convoquer le désir, une lourde tâche 

Autre écueil des rapports sexuels programmés : le désir sexuel qui n’est pas automatique. On se retrouve parfois l’un en face de l’autre à chercher la bonne caresse pour se mettre dans le bain, ce qui peut générer de la gêne, un fou rire, ou l’impression de « forcer la nature ». 

Ainsi, si les rendez-vous du sexe peuvent engendrer une attente positive, remplie de projections érotiques utiles à notre désir, il existe d’autres façons de l’encourager. La sexologue Diane Deswarte distingue deux types de désir sexuel : le désir spontané, issu des souvenirs, des fantasmes, et le désir réactif, qui dépend des stimuli. Parfois, on est l’un ou l’autre, parfois un peu des deux. Toujours étant que si l’on manque de désir spontané en période d’essai bébé, tant on est soumise aux dates, on peut tenter de rencontrer son désir réactif, par exemple « en listant les détails qui entraînent, chez nous, une excitation sexuelle », explique la sexologue. On identifie ses déclencheurs pour mieux les convoquer. Draps de soie ? Mots crus ? C’est même l’occasion de réinventer sa sexualité en couple.

Prendre du plaisir malgré la pression

Lorsque l’on fait l’amour avec un objectif enfant, on sait pourquoi on est là. Le hic : on y pense, et plus on y pense, plus le plaisir sexuel est susceptible de manquer à l’appel. Difficile d’être à son corps et ses sensations. « C’est d’autant plus compliqué quand la fécondation ne vient pas. La difficulté de se retrouver dans une sexualité épanouissante est amplifiée par les échecs. On nous a toujours appris qu’il suffisait de faire l’amour pour avoir un bébé… Tout le monde autour de vous semble réussir, vous non », précise Coralie Nasr-Jouaneh.

Résultat, on fait l’amour sous pression, moins sous plaisir. Mais comment écarter ses pensées, ne plus focaliser sur son objectif et ses insuccès, pour profiter de l’instant ? En évitant de lutter, justement ; plus on nous enjoint de ne pas penser à un ours blanc, plus on pense à un ours blanc. La sexologue Diane Deswarte suggère, pour apaiser son « syndrome de la liste de courses », de générer de nouvelles pensées. « Pourquoi se répéter que l’on est là pour tomber enceinte, alors que l’on peut se dire que c’est génial d’être ensemble ? », questionne-t-elle. En somme, revenir à son désir d’enfant et à tout ce qui l’anime – devenir parents, créer un petit être qui nous ressemble… – avoir des pensées encourageantes, à la différence de pensées telles que « je dois tomber enceinte », « déjà six mois que l’on essaie… ».

Faire l’amour « n’importe quand »

Et si, pour sortir de la programmation, il valait mieux faire l’amour à n’importe quel moment du cycle, plutôt que de se concentrer seulement sur mercredi prochain, jour de fertilité maximum ? « Faire l’amour quand on a envie, au-delà de l’ovulation, permet d’aider l’esprit à continuer d’associer le sexe à du plaisir, et non pas à de la contrainte », note Diane Deswarte. Le secret, donc : jouer à perdre le fil. Savoir que l’on ovule le week-end prochain est une chose, mais en faisant l’amour un peu avant, ou un peu après, si l’envie est là, voilà que la pression d’être disponible et efficace au bon moment s’adoucit. De plus, partager des rapports sexuels en dehors des périodes de fertilité invite à conserver et entraîner notre spontanéité – celle à laquelle on tient tant.

Partant, faire l’amour en sachant que l’on n’est pas là pour tomber enceinte remet les corps dans une disposition du passé, et voilà que perdure une façon de faire, d’être et de fusionner, afin que les rapports en période fertile ne ressemblent pas à des rapports ultra-réfléchis. Reste à oser ces « autres » rapports sexuels sans penser au rôle qu’ils sont en train de jouer, celui de nous faire quitter l’enfer des rapports sexuels organisés en essai bébé.

*https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/248/delai_conception_2010.fr.pdf 

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