Santé

Poils, acné, règles abondantes : pourquoi des femmes disent traverser une « seconde puberté » ?

Sur TikTok, de nombreuses femmes, pour la majorité anglophone, se plaignent de traverser une « seconde puberté ». Drôle de terme, qu’on aurait préféré ne jamais découvrir : la première fois était bien assez pénible. De quoi s’agit-il au juste ? Souvent dans la vingtaine, ces utilisatrices du réseau social chinois déplorent l’apparition soudaine d’acné, d’une prise de poids inexpliquée, d’une sensation de gonflement, d’une pilosité accrue, de  douleurs menstruelles et de règles abondantes… Bref, toute la panoplie des dérèglements hormonaux que l’on connaît. La plupart témoignent d’un changement brutal à l’âge très précis de 24 ans. Dans une vidéo, une jeune femme explique qu’elle ne rentre plus dans aucun de ses pantalons, une autre des ravages d’une soudaine acné hormonale sur sa santé mentale, des poils apparus sur son menton et dans son cou, et des centaines d’autres partagent des expériences similaires. Traversent-elles vraiment une… « deuxième puberté » ? 

On s’en doute, ce terme n’existe pas et n’a pas de valeur scientifique. Il s’agit plutôt d’une tendance sur les réseaux sociaux qui définit une période, la vingtaine, criblée de changements de notre corps et de notre esprit. C’est ce que confirme la gynécologue et endocrinologue Catherine Azoulay, qui n’a jamais entendu ce terme et « ne le cautionne pas ». Pour autant, elle explique que cette flopée de symptômes est due à des variations hormonales qui surviennent souvent à cette période de la vie, mais aussi pendant une grossesse, à la péri-ménopause, ou si une femme est atteinte de certaines pathologies. 

Contraception, maladie, quels sont les facteurs de nos dérèglements hormonaux ?

La question à se poser si une femme traverse ce déséquilibre est celle de la contraception. « Dans la vingtaine ou la trentaine, il faut déjà se demander si ces femmes prennent une contraception », note Catherine Azoulay. Le type de contraception, tout d’abord, peut jouer sur les symptômes que présente une femme au cours de sa vie, avant la ménopause. Ils peuvent survenir à tous les âges. « Certaines contraceptions bloquent l’ovulation, comme les pilules oestroprogestatives. Quand on prend ce type de pilule, l’ovulation est bloquée donc on n’a pas de fonctionnement hormonal, sauf cas rare (oubli, traitement qui atténue son efficacité) », ajoute la gynécologue, qui précise qu’évidemment, la pilule peut ne pas convenir à une femme. « Quand on prescrit une contraception, on dit toujours qu’il faut revoir la patiente au bout de trois ou quatre mois pour juger de l’équilibre et de la bonne gestion de cette contraception. Si elle présente des douleurs aux seins, de l’acné, une sensation de gonflement, c’est que la contraception ne convient pas. »

Ces signaux d’alarme peuvent survenir au démarrage d’une contraception et il faut du temps pour que le corps s’adapte au changement. Mais si celui-ci survient après plusieurs années sous contraception hormonale, il est nécessaire de consulter. « On trouve une cause : un médicament, une prise moins régulière, l’apparition d’une maladie qui trouble l’équilibre hormonal. Concept plus récent, le facteur environnemental, comme une pollution qui peut agir sur l’équilibre hormonal… Surtout, ne pas oublier le stress, qui retentit sur tout le système hormonal. Si ça dure, on change de contraception », conseille-t-elle. 

L’organisme a besoin de temps après la survenue des premières règles. Les premières années, elles peuvent être abondantes, irrégulières, avec des symptômes décrits par les femmes sur TikTok, sans être forcément accompagnées de pathologie. « Cependant, si une dizaine d’années après les premières règles, ces symptômes persistent, il faut consulter et vérifier s’il n’y a pas une maladie », conseille Catherine Azoulay. « Je pense au SOPK. Il ne faut pas généraliser mais chez une femme qui a été réglée à 14 ans, qui ne voit aucun changement à 25 ans mais qui est complètement déréglée à 30 ans, il faut chercher une maladie. Il existe d’autres troubles hormonaux des ovaires qui ne sont pas un SOPK, comme des maladies endocriniennes, la thyroïde, des problèmes de prolactine… »  

A noter que les dérèglements de la thyroïde sont facilement identifiables, via une prise de sang. Les symptômes à surveiller sont les suivants. « Soit elle ne fonctionne pas assez (hypo), soit trop (hyper). Les signes sont opposés. Chez les femmes, qui y ont une sensibilité particulière, les hormones de la thyroïde agissent sur beaucoup de chose. Les signes d’une baisse, c’est un ralentissement général. Fatigue, lenteur, moral en berne, peau fine et sèche, perte de poids. L’hyperthyroïdie, c’est le contraire. Agitation, coup de chaud, tachycardie, transpiration, prise de poids… » Tous les problèmes endocriniens agissent les uns sur les autres et peuvent très facilement dérégler le système hormonal et les cycles menstruels. 

D’autres symptômes peuvent donc faire penser au SOPK, une maladie souvent « surdiagnostiquée » d’après Catherine Azoulay, qui précise que les critères de diagnostic sont très précis (de nouvelles recommandations sont parues à l’été 2023). «L’échographie seule ne suffit pas à poser le diagnostic. Il faut présenter deux critères sur trois : l’échographie, des troubles des règles, des signes d’androgénies (poils, acné…). Un bilan hormonal est nécessaire. »

La péri-ménopause

Ces changements hormonaux qui surviennent tout au long de la vie d’une femme, et qui touchent à la fois son physique et son mental, prennent fin à la ménopause, soit l’arrêt total du fonctionnement des ovaires. Mais ce moment est précédé d’une période transitoire dont la durée varie selon les femmes. Pour certaines, cela durera deux ans, pour d’autres, dix », note Catherine Azoulay. « Les anglophones parlent de transition ménopausique, parce que l’arrêt total ne se produit jamais du jour au lendemain. Avant de s’arrêter, l’ovaire va hoqueter pendant plusieurs années. Pendant cette période, il s’arrête et repart. Or, quand il repart, c’est souvent trop fort. Cette alternance est très difficile à vivre, car imprévisible. Une femme peut passer de signes de ménopause complète (bouffées de chaleur, sécheresses, baisse de moral) et quand l’ovaire redémarre, c’est l’inverse qui se produit (règles abondantes, seins gonflées, irritabilité, gonflement). On peut aussi avoir des poils, des prises de poids, de l’acné, car les ovaires sécrètent les androgènes, qui nous rappellent la puberté. » 

Bref, nous ne vivons pas une seconde puberté, mais notre corps change et évolue l’âge avançant, tout en étant exposé au stress, aux troubles psychologiques, à des pathologies annexes… « Il ne faut pas s’affoler, parfois une femme traverse un déséquilibre d’un ou deux mois, puis les choses rentrent dans l’ordre. Malheureusement, on n’arrive pas toujours à en identifier la cause. Parfois, on sait à quoi ils sont dus. A 20 ans, les choses ne sont pas encore totalement équilibrées, on vit beaucoup de stress (études, vie relationnelle et professionnelle dense, santé mentale stimulée) qui peuvent affecter tout le système hormonal », conclut la gynécologue.  

Continuer la lecture

close

Recevez toute la presse marocaine.

Inscrivez-vous pour recevoir les dernières actualités dans votre boîte de réception.

Conformément à la loi 09-08 promulguée par le Dahir 1-09-15 du 18 février 2009 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, vous disposez d'un droit d'accès, de rectification, et d'opposition des données relatives aux informations vous concernant.

Afficher plus
Bouton retour en haut de la page