Santé

Pose de stérilet et anesthésie locale, le retard des études face à la douleur des patientes

« Je viens juste de me faire poser un stérilet, ce n’est pas du tout douloureux », ironise, maquillage dégoulinant, le visage encore marqué par des larmes, une jeune Américaine dans une vidéo postée sur Tiktok. À la suite de ce témoignage, toujours sur le réseau social, le collectif féminin « Les nanas d’Paname » interpelle : « Vous vous rendez compte que […] pour une insertion de stérilet qui est quand même un corps étranger dans une des parties la plus sensible du corps, [il n’y a] pas d’anesthésie locale ? »

Un problème commun

La vidéo a provoqué une vague de réactions. Elle a été partagée plus de 10 000 fois et a engendré près de 4 000 commentaires. « Je suis tombée dans les pommes », « j’ai eu plus mal à ma pose de stérilet qu’au travail lors de mon accouchement », « j’ai vomi », peut-on lire çà et là. Un retour que n’avait pas anticipé le collectif, ravi d’avoir pu montrer que ces vécus n’étaient pas isolés. « Ça nous tenait à cœur d’en parler, parce que certaines au sein-même du groupe ont eu une mauvaise expérience lors de la pose de stérilet », partage Romane, community manager TikTok des « nanas d’Paname ».

Bien que rarement proposée par les practicien.es et peu connue des patientes, l’anesthésie locale est légale en France. Aujourd’hui, les méthodes les plus courantes pour soulager la douleur lors de la pose d’un stérilet vont de la médecine alternative avec l’acupuncture ou l’homéopathie à des traitements médicamenteux comme le Spasfon, le Doliprane ou encore l’Ibuprofène, avant, pendant et après l’intervention.

Une situation douloureuse

Mathilde, 22 ans, atteinte du syndrome des ovaires polykystiques, s’est récemment fait poser un stérilet hormonal pour arrêter ses règles douloureuses, mais aussi éviter les interférences que provoque la prise de pilule avec son traitement. « Ma sage-femme m’a vraiment tout expliqué. Elle m’a montré le stérilet et comment il se posait. Elle m’a parlé de douleurs pouvant être équivalentes à celles de règles intenses. Elle m’a prescrit des antalgiques et des Spasfons à prendre trente minutes avant », se souvient-elle.

Malgré tout, lors de la pose, qui a eu lieu en deux rendez-vous – la première tentative ayant échoué – Mathilde ressent d’abord une gêne. Et puis, une fois le stérilet à l’intérieur de l’utérus, ce sont de vives crampes qui se sont déclenchées. « Après la pose, ma sage-femme m’a laissée me reposer une vingtaine de minutes pour être sûr que je ne faisais pas un malaise. J’avais des vertiges, la tête qui tournait et l’envie de vomir », continue Mathilde.

Où en est-on concernant la pose du stérilet ?

Si le stérilet en lui-même a évolué à travers le temps, notamment sa taille, permettant ainsi aux personnes n’ayant pas accouché d’en bénéficier, les techniques de pose ont quant à elles peu changé. « On mesure d’abord la taille de l’utérus et ensuite, on pose le stérilet à l’aide d’un spéculum en position gynécologique et la plupart du temps une pince de Pozzi pour tenir le col de l’utérus et le redresser et ainsi introduire le stérilet », explique Fanny Toussaint, sage-femme hospitalière à la maternité des Bleuets dans le 12e arrondissement de Paris et autrice d’un mémoire de fin d’études sur la contraception.

La pose se fait souvent au moment des règles. Le col de l’utérus serait plus perméable à ce moment-là et donc l’insertion d’un stérilet plus facile. Cet usage est cependant remis en question. « Certains avancent que l’utérus est aussi beaucoup plus sensible lors des règles puisqu’il est dans une situation inflammatoire. Cela pourrait ainsi entraîner plus de douleurs et potentiellement plus d’expulsions des stérilets. Mais il n’y a pas vraiment assez d’études pour affirmer quoi que ce soit », note-t-elle. C’est – avec le passage du stérilet – la pression du col de l’utérus à la pince de Pozzi qui peut provoquer de vives de douleurs.

Traumatisée, Manon n’a pas souhaité continuer

Manon, 28 ans à l’époque de son rendez-vous, s’est évanouie à l’instant où sa gynécologue effectuait le pincement. Ayant des prédispositions à faire des malaises vagaux, sa praticienne lui a alors conseillé de se tourner vers un hôpital pour réaliser la pose sous anesthésie générale. « Elle m’a dit qu’elle ne pouvait plus rien faire pour moi », raconte la jeune femme. Traumatisée par cette expérience et s’étant sentie peu soutenue par la gynécologue, Manon n’a pas souhaité continuer la démarche.

Quelle est la solution ?

Pourquoi n’est-il alors pas proposé de manière systématique des alternatives d’anesthésie locale aux patientes ? Dans les faits, peu d’études existent sur leur sujet. Et celles-ci comporteraient certaines contraintes. Selon Fanny Toussaint, une piqûre anesthésiante au niveau du col de l’utérus pourrait être plus douloureuse que la pose elle-même et pourrait ne pas être pleinement efficace.

En effet, si elle atténuait les douleurs provoquées par le pincement du col de l’utérus avec la pince de Pozzi et le passage du stérilet, elle n’aurait aucun effet sur les contractions utérines survenant après la pose. Même problème avec les gels ou sprays anesthésiants, l’une des options adoptées au Canada.

La solution la plus englobante qui pourrait être envisagée serait alors une rachianesthésie au niveau du dos, c’est-à-dire une anesthésie qui endort le bas du corps pendant plusieurs heures. Cependant, celle-ci demanderait une réorganisation de la pratique. La pose de stérilet ne pourrait plus se faire en cabinet de ville en moins d’une demi-heure, mais sur une demi-journée, à l’hôpital et avec beaucoup plus de surveillance.

Une mise en action pas si simple

Autre difficulté, soulevée par Fanny Toussaint, est que le pourcentage de personnes concernées par ces douleurs intenses et qui pourraient donc être soulagées par ces interventions reste inconnu. Dans la plupart des cas, de nombreuses patientes ne ressentent peu ou pas la douleur. Le connaître pourrait ainsi aider à prendre conscience du problème. Quoi qu’il en soit, pour la sage-femme, il faudrait que les patientes aient le choix de l’anesthésie, ce qui n’est actuellement pas le cas.

Mais là encore, nouveau bémol : peu de practicien.nes ont connaissance de cette option et savent la pratiquer. À titre d’exemple, Fanny Toussaint n’a jamais entendu parler d’anesthésie locale lors d’une pose de stérilet durant sa formation. Preuve que cette problématique est encore loin de s’être répandue au sein du corps médical.

Continuer la lecture

close

Recevez toute la presse marocaine.

Inscrivez-vous pour recevoir les dernières actualités dans votre boîte de réception.

Conformément à la loi 09-08 promulguée par le Dahir 1-09-15 du 18 février 2009 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, vous disposez d'un droit d'accès, de rectification, et d'opposition des données relatives aux informations vous concernant.

Afficher plus
Bouton retour en haut de la page